Un an après son élection, comment jugez-vous le bilan d’Emmanuel Macron d’un point de vue économique ?
Il s’est engagé dans des réformes que la droite, et en particulier la droite de Nicolas Sarkozy, dont j’étais le ministre, n’a pas eu l’audace d’entreprendre. La simplification du droit social, la réduction des charges fiscales pour les entreprises ou les incitations à l’investissement dans l’économie. Et il en va de même pour l’adaptation à la mondialisation, la réforme de la SNCF, malgré les grèves, les blocages ou les prises d’otages des syndicats, sont la preuve de sa ténacité et de son sang-froid. Macron doit maintenant adapter le modèle social et le rendre plus juste. C’est le défi que nous devons relever. En tant que droitier et humaniste, je compte l’aider à y parvenir. Je soutiens depuis des années le revenu de citoyenneté, qui sera, selon moi, le modèle mondial dans 10 ans. Nous devons offrir plus de justice, mais en même temps nous devons réduire les phénomènes d’intermédiation, désintermédier, car la gestion de l’administration coûte de plus en plus cher et utilise une immense partie des ressources qui pourraient au contraire être redistribuées à ceux qui en ont le plus besoin. Voilà une nouvelle ambition européenne à défendre.
Le nouveau président semble centraliser tous les pouvoirs, s’appuyant de surcroît sur une assemblée dans laquelle il dispose d’une majorité absolue. Est-ce une bonne chose pour le pays ?
Cependant, c’est une garantie d’efficacité et de rapidité. Il nous rappelle les années d’or du gaullisme. Mais nous devons veiller à ne pas faire la sourde oreille et à ne pas négliger les préoccupations des citoyens. Le président a adopté une logique multipolaire : il a nommé un bon Premier ministre de droite, Edouard Philippe. Son parti, « En Marche », comme tous les partis, est dans une logique bipolaire. Cela ne lui facilite pas la vie, et sur de nombreuses questions, la droite est désormais plus en phase avec le président. Nous ne réussirons que si nous remportons le défi et obtenons une coalition solide et durable, comme Angela Merkel a pu le faire en Allemagne. C’est la logique que nous suivons avec » Agir « , dont je suis l’un des cofondateurs avec de nombreux autres députés qui ont quitté LR (Les Républicains), mon ancien parti, dont la dérive identitaire tourne le dos aux valeurs humanistes, libérales et gaullistes de la droite française.
L’Europe est confrontée à l’ultra-protectionnisme économique des Etats-Unis ; pensez-vous qu’elle dispose de suffisamment d’armes pour faire entendre sa voix ?
Nous ne pouvons pas réussir seuls. L’axe Macron-Trudeau est une opportunité. L’accord CETA de libre-échange entre l’Europe et le Canada, trop souvent présenté comme un cheval de Troie pour les Américains, doit au contraire devenir notre cheval de Troie en Amérique du Nord. Avec nos amis canadiens, nous devons être agressifs et réactifs ! Il ne faut absolument pas laisser les Américains nous imposer leurs règles.
Lorsque vous étiez député français en Amérique du Nord, vous avez rencontré Donald Trump. Est-il aussi imprévisible que vous le laissez paraître ?
J’étais le seul non-américain à assister au dîner d’investiture au Capitole. Je dois dire que j’avais déjà prédit son élection l’année précédente, alors que personne n’aurait parié un centime sur lui. J’avais pris la mesure du malaise américain. Les États-Unis ne peuvent se limiter à New York ou Los Angeles, comme le croient naïvement les Français ou les Italiens. Au contraire, Trump est très prévisible. Il applique à la lettre tout ce qu’il a dit. C’est surprenant car nous sommes habitués à ce que les politiciens fassent le contraire de ce qu’ils promettent. Il a une méthode qui, bien que déconcertante au début, reste la même. Il attaque les problèmes de manière brutale pour faire avancer ses idées. La méthode de l’homme d’affaires.
L’Europe se compose de 28 pays qui sont économiquement très différents les uns des autres. Est-ce une force ou une entrave ?
La diversité est une grande force. Mais je suis favorable à l’élaboration d’un système unique de droit européen des affaires, afin que l’Europe puisse devenir une plateforme de lancement d’entreprises mondiales, comme c’est le cas aux États-Unis. Là, une start-up naît dans un État, et en appuyant sur un bouton, elle peut se dupliquer dans tout le pays. Ici, la même start-up qui se lance en France doit repartir de zéro en Italie. Et puis repartir de zéro en Allemagne ou en Espagne…
Quand pensez-vous que nous sortirons de cette crise qui dure depuis plus de 10 ans ?
Je suis assez inquiet des déséquilibres mondiaux. Le monde n’a jamais été aussi instable. Au Moyen-Orient, mais aussi en Asie, même si les récents événements en Corée du Nord sont plutôt positifs. Sans parler de l’Afrique, qui se trouve à la croisée des chemins. Et puis il y a les tentations isolationnistes, comme aux États-Unis, qui sont annonciatrices de mauvaises surprises. Heureusement, l’innovation galopante et une jeunesse entreprenante dessinent une nouvelle croissance. Si nous réussissons à accompagner l’Afrique dans son développement et si l’environnement devient une priorité, alors nous réussirons à réinventer de nouveaux moteurs de la croissance mondiale. Nous devons être des Européens convaincus et ouverts aux autres, et former de nouvelles alliances stratégiques, ce n’est qu’à cette condition que l’avenir sera brillant et sûr.